En vivant, en écrivant
" En écrivant, tu déploies une ligne de mots. Cette ligne de mots est un pic de mineur, un ciseau de sculpteur, une sonde de chirurgien. Tu manies ton outil et il fraie un chemin que tu suis. Tu te trouves bientôt profondément engagé en territoire inconnu. S'agit-il d'une impasse, ou bien as-tu localisé le vrai sujet? Tu le sauras demain , ou dans un an.
.....La ligne des mots est un marteau. Tu t'en sers pour explorer les murs de ta maison. Tu les tapotes, doucement, partout. Aorès les nombreuses années à étudier ces choses, tu sais à quel bruit prêter l'oreille. Certains murs sont porteurs; il faut qu'il restent en place, sinon tout l'édifice s'écroulera. D'autres murs peuvent disparaitre sans dommages; tu sais entendre la différence. Malheureusement c'est souvent un mur porteur qui doit disparaitre. On n'y peut rien. Il n'y a qu'une solution, qui te consterne, mais c'est comme ça. Flanque-le par terre. Gare.
....La ligne de mots palpe ton propre coeur. Elle envahit les artères, elle entre dans le coeur avec la ruée du souffle; elle étreint le rebord mobile d'épaisses valvules; elle tâte ce muscle obscur aussi fort que des chevaux, cherchant une chose, qu'elle ignore.
.....L'une des petites choses que je sais sur l'écriture est la suivante: dépense-la tout entière, lance-la, mise-la, perds-la, tout entière, tout de suite, à chaque fois. Ne garde pas par-devers toi ce qui te semble bon, pour un autre endroit du livre ou pour un autre livre; donne-le, donne-le tout entier, donne-le maintenant. La tentation de mettre de côté quelque chose de bon pour un endroit meilleur, pour plus tard, est le signal de le dépenser maintenant. Autre chose émergera plus tard, quelque chose de mieux. Toutes ces choses viennent par derrière, par en-desous comme l'eau d'un puits. Demême la tentation de garder pour toi seul ce que tu as appris est non seulement honteuse, elle est destructrice. Tout ce que tu ne donnes pas librement et en abondance devient perdu pour toi. Tu ouvres un coffre-fort et découvres des cendres.
...Pourquoi lisons-nous si ce n'est dans l'espoir que l'écrivain rendra nos journées plus vastes et plus intenses. Elle envahit les artères, elle entre dans le coeur avec la ruée du souffle, elle étreint le rebord mobile d'éopaisses valvules; elle elle tâte cemuscle obscur, aussi fort que des chevaux, cher hant une chose qu'elle ignore.
....La ligne de mots tâtonne à la recherche des fissures du firmament.....Mais pour l'instant tu es en vol.Pour l'instant ton boulot c'est de retenir ton souffle.
....Tu as été crée en ce monde pour donner voix à cela, à ton propre étonnement....au plus près du nerf de ta sensibilité la plus intime."
Annie Dillard "En vivant en écrivant" Ed. Christian Bourgeois
Un très beau livre sur le travail de l'écrivain, de l'écriture, de la lecture.
Et quelques découvertes aimées :
pour les ateliers : Hervé Le Tellier : "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable". Un texte dont chaque phrase commence par "je pense que..." à la "je me souviens " ou "je sais".
Camille Laurens : "Quelques-uns" POL , un inventaire de mots : "Oui", "Quelques-uns", Chagrin", Il y a ", " Jamais", "ça", "je ne sais quoi"....
Lectures coeur : Thomas Vinau : "Ici, ça va"
Michaêl Gluck : " Dans la suite des jours" (il devrait sortir un volume avec les différents textes regroupés). Je vous enverrai les deux textes que j'ai récupéré enen PJ. Sino cf Poézibao ou remue.net
Laurence Vielle : "Récréation du monde" : géniale, des textes à lire à haute voix, un travail sur la langue...
Albane Gellé : "Si je suis de ce monde": c'est super: des fragments, carrés, même la 4° et chaque phrase commence par "Tenir" et finit par "debout". Ed. Cheyne
Voilà pour l'instant pour mes découvertes de textes de ces qq jours.
Page et plume... Flo